Vengeance !
HONG-KONG · 1970 · 報仇 AKA KUNG-FU VENGEANCE · UN FILM DE CHANG CHEH · AVEC DAVID CHIANG, TI LUNG, WANG PING, CHAN YUAN, OU YEN-CHING, YANG CHI-CHING, KU FENG
Vengeance ! (avec un point d'exclamation). Tout le film, ou presque, est contenu dans le titre : Kuan Yu-Lou (Ti Lung) est lâchement assassiné sur ordre de l'amant de sa femme. Son frère, Kuan Hsiao-Lou (David Chiang) va donc tout faire pour le venger. Par chance, les vils traîtres s'y sont mis à quatre-vingt pour le tuer ce qui laissera au jeune homme le loisir de les supprimer pendant une heure et quart de film. Tout un programme...
Reprenant le thème de prédilection du cinéma d'arts martiaux, le maître Chang Cheh signe avec Vengeance ! un long-métrage qui fut reconnu dès sa sortie, lui permettant de recevoir le prix du meilleur réalisateur au Asia-Pacific Film Festival de 1970, et qui a acquis, près de quarante ans plus tard, le statut de film culte. Malheur donc à celui qui oserait s'attaquer à ce chef-d'œuvre intemporel du septième art !
Il est vrai que, dans Vengeance !, Chang Cheh innove : il reprend les codes du wu xia pian traditionnel pour les transposer dans une époque plus récente - les années vingt - et force est de constater qu'on retrouve les mêmes thèmes : amitié virile, honneur, abnégation, opposition entre le bien et le mal, entre le devoir et le désir... Initiateur de la violence sur grand écran, il s'efforce à mettre en scène des combats plus réalistes, plus crus et plus sanglants. Mais faute d'une trame conséquente et de réels rebondissements, il ne reste plus au long-métrage que son visuel, qui a atrocement mal vieilli. Et c'est d'autant plus préjudiciable que le talentueux Ti Lung disparaît au bout de dix minutes pour laisser place à l'acteur fétiche de Chang Cheh, David Chiang. Ce dernier, avec son charisme de fer à repasser et son agilité de manche à balai - pour les prouesses martiales, il faudra repasser - distribue les coups de tatane entre deux lancers de couteaux tout droit sortis d'une panoplie de Zorro et fait couler des litres de jus de tomate dans un déferlement de violence kitsch. Vengeance ! enchaîne ainsi des combats interminables piètrement chorégraphiés - et pitoyablement exécutés. On regrettera également les ralentis dramatiques et la manie de David Chiang de repousser sa mèche de cheveux d'un mouvement de tête - ce qui pourrait être comique si le film n'était pas aussi ennuyeux.
Lorsqu'il n'éventre pas ses ennemis (c'est-à-dire rarement), David Chiang regarde au loin et débite son texte d'un air grave, ce que lui valut le prix du meilleur acteur au Asia-Pacific Film Festival. Toujours est-il que quatre-vingt dix minutes de pellicule plus tard, la vengeance de Hsiao-Lou est assouvie : les cadavres des vilains, vidés de leur sang rouge vif, jonchent le sol... Le mobilier non plus n'a pas été épargné...
Nous reconnaîtrons tout de même que le film conserve - pour les plus optimistes - un intérêt historique : il est en effet évident que l'oeuvre de Chang Cheh a eu une influence considérable sur le cinéma hong-kongais. On pense bien entendu aux films de son ancien chef-opérateur, John Woo, et plus particulièrement à The Killer mais également à Bruce Lee et à La fureur de vaincre ainsi qu'à The Blade de Tsui Hark.